« L’internat est un lieu de vie, pas un dortoir » : reportage dans deux établissements du Cher
Les différents internats du Cher permettent à des élèves de ne pas souffrir de la distance et des durées de transports afférents. L’internat propose un cadre de vie, avec des temps dédiés au travail, au divertissement et à la vie en collectivité. Pour les élèves du Cher que nous avons rencontrés, ce n’est pas du tout envisagé comme une punition.
Article écrit
Par François Lesbre (Leberry.fr)
La vie à l’internat au lycée Edouard Vaillant de Vierzon c’est aussi et surtout une histoire d’amitié. Photo Pierrick Delobelle © Pierrick DELOBELLE
À la rencontre des internes du lycée général et technologique Marguerite-de-Navarre, à Bourges, et du lycée polyvalent Édouard-Vaillant, à Vierzon. Deux établissements dotés d’un internat.
Si chacun d’eux a son fonctionnement propre, des constantes demeurent. Les dortoirs des garçons et des filles sont bien distincts, les chambres de quatre sont la règle et le tarif annuel, fixé par la région, tourne autour de 1.600 €, tout compris.
Chaque soir, le lieu est surveillé par un conseiller principal d’éducation (CPE), avec l’aide d’assistants d’éducation (AED) qui dorment sur place pour que la nuit se déroule du mieux possible.
Ce soir-là, à “Margot”, comme est surnommé le lycée berruyer, Roman Bienabe est de service. C’est l’un des trois CPE qui se relaient pour surveiller l’internat : « Je dois faire l’appel et veiller à l’extinction des feux à 22 heures. Les élèves disposent de leurs téléphones portables comme ils l’entendent. Par contre, si on voit des lycéens très fatigués au réveil, on est plus vigilants. » Les chambres possèdent un bureau, une armoire, une lampe de chevet et un lit pour chaque occupant. Libres à eux de customiser le tout, en rapprochant les lits. L’internat a connu d’importants travaux il y a neuf ans. On trouve des codes couleurs bien pratiques pour déterminer les espaces.
Un climat convivial
« La distance qui sépare le domicile des élèves de l’établissement crée le besoin d’être interne. Certains le sont aussi par envie. Ils ne veulent pas passer trop de temps dans les transports, avoir une qualité de vie et un cadre pour le travail, se lier d’amitié », souligne le proviseur adjoint de Marguerite-de-Navarre, Pierre Aranaz.
Les assistants d’éducation apportent une écoute, des solutions et un accompagnement à ces jeunes âgés de 15 à 18 ans. Ils sont six, pour six dortoirs.
Le repas du soir, en plus petit comité que celui de midi, instaure un climat convivial. Évidemment, pour respecter la diversité alimentaire, les plats ne sont pas les mêmes que durant la pause méridienne.
Les élèves ont droit à deux sorties par semaine, en fonction des activités qu’ils ont, notamment pour faire du sport, avec un retour à 22 h 30. « Nous faisons preuve d’une certaine souplesse. Mais il faut quand même avoir un œil sur les flux », indique le proviseur adjoint.
L’internat de Margot propose des activités à thème, comme jouer et créer des jeux de société, le mercredi après-midi. Une soirée de Noël a eu lieu, pour respecter la tradition.
S’épanouir dans un Internat d’excellence, comme au lycée professionnel saint-amandois Jean-Guéhenno
Élèves au lycée Vauvert de Bourges, Lilou et Éloïse étudient en bac pro de la sécurité. « Nous sommes internes à Margot depuis la rentrée de septembre. Cela se passe très bien. Pauline et Jade ne sont pas là, mais nous sommes en fait quatre copines à partager la même chambre. »
Rien de tel qu’une partie de babyfoot pour se détendre au lycée Marguerite de Navarre de Bourges. Photos Pierrick Delobelle
Lilou est de Saint-Amand-Montrond, Éloïse de Nevers (Nièvre). « On a déjà en tête de faire les trois ans d’internat. On rencontre des gens, on sort de notre zone de confort et pour travailler, c’est plus calme. J’adore », dit Lilou. « J’appréhendais un peu mais je suis ravie », ajoute Éloïse.
Lilou se lève à 6 h 40 pour avoir le temps de se préparer. « On a eu une soirée Halloween, avec des films d’horreur, je suis une bonne cliente », dit-elle.
Depuis la rentrée, Manon est assistante d’éducation à raison de trois soirs par semaine. Elle discute avec Anaïs, élève en première commerce. « Sans l’internat, je rentrerai trop tard chez moi, confie la lycéenne. C’est bien ici, on fait des rencontres. » « Un lieu de confiance avec une certaine souplesse », souligne-t-elle. Originaire de Paris, Amidou avoue qu’il a encore du mal à se faire à l’internat. Mathias, lui, étudie la mécanique à Vauvert, et Quentin la carrosserie. Ils forment un carré magique avec Jules et Noë. Les quatre viennent de Châteauroux (Indre), Aubigny-sur-Nère, Selles-sur-Cher (Loir-et-Cher) et Uzay-le-Venon. « C’est mieux que d’être avec des gens qu’on ne connaît pas. »
Il y a bien une salle télé mais les lycéens préfèrent regarder l’écran de leur téléphone. « La nuit, il ne se passe pas grand-chose », remarque le proviseur adjoint. L’infirmière est en tout cas joignable, vu qu’elle habite au lycée berruyer. Brahim, AED, est conscient que « cela reste des adolescents, mais il y a une très bonne ambiance et pas mal d’entraide, au-delà de quelques blagues comme cacher les chaussures. L’internat, c’est autre chose que durant une journée. » Pour identifier la chambre des AED, une couleur rouge sur le sol.
« On les connaît tous »
Lors du repas, Didier remplit les assiettes. C’est lui qui cuisine tous les soirs. « On les connaît tous et ils nous connaissent aussi », lance-t-il. Ce soir-là, au menu, c’est quenelle et boulgour. « Tu t’es fait couper les cheveux », constate une lycéenne pas très quenelle.
« L’internat, c’est une chance pour nos élèves, qui ont ainsi un cadre », estime Philippe Courjault, proviseur du lycée Marguerite-de-Navarre. Le CPE, de soirée, Roman Bienabe, ajoute : « Ce n’est pas un dortoir, mais un lieu de vie ». Car les internes profitent aussi du bar du lycée, avec lumière tamisée, baby-foot et boissons non alcoolisées. L’endroit où il faut être.
Changement de décor au lycée Édouard-Vaillant de Vierzon. L’établissement s’étend sur cinq hectares et accueille des CAP, bac pro, bac général, bac techno et BTS. Il peut ainsi héberger des élèves majeurs.
L’internat est labellisé d’excellence depuis quatre ans, fruit de partenariats culturels entretenus avec la salle de spectacle du Mac-Nab, le musée numérique, le conservatoire, mais aussi d’activités sportives avec notamment les rugbywomen, championnes académiques en titre.
« Nous avons des jeunes de l’Indre mais aussi d’Aubigny-sur-Nère pour qui nous sommes le lycée de secteur, indique Sacha Suman, proviseur de l’établissement depuis trois ans. Des internes peuvent faire trois ans, plus deux ans supplémentaires. »
À Vaillant, le petit-déjeuner se fait entre 6 h 45 et 7 heures. L’extinction des feux est fixée à 22 heures. Le repas du soir est assez tôt, entre 18 h 45 et 19 h 30, pour que les lycéens aient le temps de travailler ensuite. Chaque étage de l’immeuble dispose d’une salle de jeu, avec baby-foot et table de billard.
« Nous veillons quand même à éviter la mixité dans les chambres, souligne Sacha Suman. Les portables sont autorisés mais limités dans les chambres. Un peu comme chez eux. Le matin, on voit ceux qui ont du mal à se réveiller. »
L’internat a connu deux ans de travaux, de 2017 à 2019, juste avant le Covid, pour un coût de 6,7 millions d’euros. « Il en avait besoin. Nos élèves ont 100 % de réussite aux examens. Le tarif à l’année possède quatre niveaux différents, mais 75 % des parents paient le tarif le plus faible soit 1.300 € tout compris (nuit, repas et petit-déjeuner) », détaille le proviseur.
Ce soir-là, la conseillère principale d’éducation Fatima Bouissioura est de permanence. Elle dispose aussi d’une manageuse d’internat, en la personne de Sarah Ouari. Cette dernière organise les animations, comme une “Gentille organisatrice” qui a mis en place une soirée Halloween.
Au lycée Édouard-Vaillant, il y a au moins un assistant d’éducation par étage. Souvent deux.
« On est un peu en colonie de vacances »
Au premier niveau, on trouve les lycéennes et, cette fois, trois assistantes d’éducation dont deux qui dorment sur place. Ce sera le cas pour Pauline et Sandrine. Une vingtaine d’internes filles sont réparties dans des chambres de quatre.
Ce soir-là, aussi, le prof de maths, Mohamed Khalid, vient aider aux devoirs dans sa matière. Dans l’établissement, c’est le seul enseignant qui se dévoue à cette tâche, sur la base du volontariat.
Quatre lycéennes en terminale bac général, pleines d’enthousiasme, expliquent que la troisième année d’internat est aux petits oignons. « Nous sommes réunies dans cette chambre depuis deux ans. On a ramené un sapin de Noël et rapproché nos lits », déclare Morgane, qui vit avec Eva, Gwenaëlle et Maëlys.
Elles sont d’Aubigny-sur-Nère ou d’Argent-sur-Sauldre. « L’internat c’est super et c’est incroyable d’être avec ses copines, continue Morgane. On est un peu en colonie de vacances, même si on doit aussi travailler. » Toutes les quatre ont chamboulé la disposition de la chambre. « On est collé-serré, comme ça, on a les lits d’un côté, les bureaux de l’autre. »
Les garçons dorment un étage plus haut. On tombe sur Kevin en première générale. « C’est bien l’internat. On est libre de faire nos choix, il y a une bonne ambiance entre les élèves et je travaille plus ici que chez moi. »
Une chambrée avec des lycéens qui habitent Villegenon, Sully-sur-Loire (Loiret), Oizon et Aubigny-sur-Nère s’entend comme larrons en foire.
La dizaine de collégiens qui fréquente l’internat d’Édouard-Vaillant, a droit, quant à elle, à un petit-déjeuner à part. Privilège des plus petits.
Vous pouvez retrouver l’article sur le site : https://www.leberry.fr/bourges-18000/actualites/reportage-dans-deux-etablissements-du-cher-linternat-est-un-lieu-de-vie-pas-un-dortoir_14623007